La Ferme de la Grande Rivière a été créée en 2007 par Damien Fihey et Isabelle Perry, qui cultivent des légumes, des petits fruits et des aromates bio en s’inspirant de la permaculture et des techniques de non-travail du sol à Saint-Michel-de-Chavaignes et à Berfay.
Au fil du temps, la ferme a évolué vers l’agroforesterie, avec l’implantation de fruitiers au milieu des cultures de légumes.
Une ferme diversifiée qui ne cesse d’évoluer
« Comme pour toute activité maraîchère, on a d’abord cherché une zone bien irriguée pour bénéficier de l’eau toute l’année, » explique Damien. « Mais on s’est un peu fait piéger : la ferme se trouve sur un terrain en pente, en hiver le sol est compact et humide, on est près d’un cours d’eau et on subit régulièrement les remontées de la nappe phréatique… »
Au fil des années, il a fallu modifier la qualité et l’inclinaison du sol, l’amender, réorganiser les parcelles, déplacer les serres ; « au début, on cultivait un hectare, dont 300 m2 de tunnels, et des animaux assuraient l’entretien des parcelles. »
Des chèvres pour débroussailler, des vaches Jersiaises pour brouter, des poules pour gratter… et pour finir, des cochons pour tout retourner. Au fil du temps, les parties enherbées ont diminué, contraignant Damien et Isabelle à se séparer des animaux herbivores.
On trouve aujourd’hui à la Ferme de la Grande Rivière plus d’une centaine de variétés (toujours bio, souvent anciennes) de légumes, de fruits et d’aromates cultivés sur 1,2 hectare, une moitié de plein champ et l’autre sous tunnels : des courgettes, des tomates, des poivrons, des aubergines, des melons, des salades, du gingembre, mais aussi des framboises, des mûres, des kakis, du maïs…
Les deux productions emblématiques de la Ferme de la Grande Rivière ? L’ail et le gingembre.
- L’ail est planté sur buttes permanentes et sans travail du sol à l’automne, puis récolté à partir du printemps : Damien et Isabelle le proposent frais juste après la récolte et sec le reste de l’année. « On a construit un séchoir à ail qu’on peut démonter et déplacer selon nos besoins ; les bulbes sont ensuite conservés dans un conteneur ventilé et réfrigéré. »
- Le gingembre a besoin d’eau et de chaleur : il est mis en pot en début d’année pour partir en végétation, puis planté sous tunnel entre avril et mai une fois qu’il a germé. « Contrairement à un gingembre sec qui a deux ou trois ans, notre gingembre nouveau est extrêmement frais, avec des saveurs d’agrumes très développées et un croquant plus délicat ; la peau est quasiment inexistante et le rhizome est très peu fibreux. »
Damien et Isabelle exploitent également deux parcelles à l’extérieur de la ferme, l’une à Montaillé chez Samuel et Vincent Branlard et l’autre à Berfay, en collaboration avec Thierry et Anne-Marie Barré de la Ferme des Jersiaises, éleveurs laitiers et fromagers bio depuis 1997. « Thierry est extrêmement impliqué dans le développement des jeunes installations et au sein de la Confédération paysanne, c’était l’un des premiers paysans en bio en Sarthe » précise Damien.
Le couple leur a d’abord confié 6000 m2 supplémentaires inutilisés en 2019 pour cultiver de l’ail, des oignons, des courges, des choux, des poireaux et des pommes de terre, puis 2000 m2 de leurs propres terres en 2021 ; « ce sont des cultures qui ne nécessitent pas qu’on soit sur place tout le temps, » explique Isabelle.
Sur ces deux parcelles, il n’y a pas d’irrigation : ail, oignons, courges sont ainsi cultivés sans arrosage supplémentaire autre que la pluie.
En fonction des saisons, la Ferme de la Grande Rivière emploie un·e à quatre salarié·es pour planter, entretenir et récolter la production maraîchère, et aussi assurer l’entretien des abords des parcelles.
Une ferme bio en permaculture
« On a découvert la permaculture en 2015 et le maraîchage sur sol vivant en 2012« , raconte Damien. « La permaculture s’appuie sur trois principes : prendre soin de la terre, prendre soin des hommes et partager équitablement les ressources, qui permettent d’établir des écosystèmes humains et naturels durables dans le temps. » Le maraîchage sur sol vivant, quant à lui, est directement appliqué aux cultures avec des techniques de non-travail du sol.
« En pratique, on prend tout simplement soin du sol en le travaillant moins, en le couvrant, en l’amendant, en diversifiant les productions, en aménageant des espaces naturels où la biodiversité peut se maintenir et grandir… » explique Isabelle.
La Ferme de la Grande Rivière fait partie du mouvement « Maraîchage sol vivant », qui est devenu une association en 2015. « On est un ensemble de 150 paysans-chercheurs qui expérimentent dans leurs champs des techniques de non-travail du sol, qui échangent et qui se forment autour d’une agriculture plus respectueuse du vivant. »
Ce sont ces influences qui ont aidé Damien et Isabelle à façonner leur vision de la ferme : « produire des aliments sains de la meilleure qualité gustative et nutritionnelle possible, intégrer différents types de plants (légumes, arbres, arbustes, fruitiers, aromatiques, fleurs…) afin d’augmenter la biodiversité et garder le sol vivant. »
« Par endroits, on retourne cependant au binage, qu’on avait arrêté depuis une quinzaine d’années, parce que la terre est trop tassée et que c’est parfois plus simple de planter dans un sol légèrement travaillé, » concède Isabelle. « Ça permet aussi de se débarrasser de certains nuisibles comme les courtilières, qui peuvent ravager une parcelle en un éclair. »
Damien et Isabelle se sont aussi rendu compte que ces dernières années, ils avaient peut-être trop réduit les apports organiques de compost, broyats de déchets verts et paille en s’en remettant au bon fonctionnement de la nature. « Et puis certains fruits ne fonctionnent pas trop ici en raison du manque d’ensoleillement, de l’excès d’eau et de la qualité du sol », explique Damien, « comme les cerises, les pêches, les abricots ou les prunes, dont la production est quasiment nulle. »
Au fil du temps, le terrain a été aménagé selon les principes de l’agroforesterie. Damien et Isabelle ont planté des rangées d’arbres fruitiers entre les planches de culture et les tunnels afin d’optimiser l’espace et de jouer sur les ombrages : les fraises sous le gingembre, les légumes sous la vigne…
« Vingt ans plus tard, on se rend compte que tout n’est pas forcément adapté. Le système du jardin-forêt fonctionne bien pour les particuliers, mais possède de nombreuses contraintes : temps et connaissances nécessaires à la taille des fruitiers, ensoleillement, associations de plantes, arbres qui font concurrence aux fruits et légumes… »
Aujourd’hui, les deux associés cherchent à revenir à des bases simples et efficaces, « à moins s’épuiser et à identifier les meilleures variétés à cultiver du point de vue gustatif et qualitatif, » confie Isabelle. « Tout en continuant à apprendre et à progresser, parce que c’est aussi ça le plaisir d’être maraîchers ! »
Des partenariats locaux solides
Damien et Isabelle ont lancé leur activité de maraîchage bio au moment où les premières Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne (AMAP) du Mans ont vu le jour. « Avec Isabelle, on a participé aux premières réunions en 2006 et à l’époque, on vendait une vingtaine de paniers par semaine, » se souvient Damien.
Depuis, la ferme a petit à petit pris de l’ampleur ; la Grande Rivière travaille aujourd’hui avec sept AMAP et distribue des paniers de fruits et légumes à une centaine d’adhérent·es.
« Grâce aux AMAP, il y a des gens qui ne connaissaient pas ou n’aimaient pas les légumes, qui se sont réellement découvert des passions ! De notre côté, leur soutien nous a vraiment beaucoup aidés », ajoute Damien en souriant.
C’est ce lien entre « producteur » et « mangeur » qui nourrit les deux associés, « c’est comme ça qu’on construit une société qui a du sens, » renchérit Isabelle. En parallèle des AMAP, la Grande Rivière nous fait le plaisir de vendre sa production dans les six magasins bio du Fenouil Biocoop au Mans.