Daniel Girandier, sociétaire n° 44 et président du conseil d’administration du Fenouil dans les années 1980, se rappelle les débuts de la coopérative. « Il faut resituer ça dans le contexte, dix ans après mai 1968 à un moment où des tas d’initiatives partent dans tous les sens, notamment à cause d’un rejet des formes de commerce dites capitalistes. »
Il raconte que l’équipe avait d’ailleurs des points de vue très divergents : « à cette époque, ce fourmillement de gens qui viennent de tous les horizons doit trouver un terrain d’entente pour donner naissance à un projet innovant, mais sérieux et pérenne. »
Installé rue de Bellevue dans un local loué à la ville du Mans, Le Fenouil réunit alors 300 familles coopératrices qui commandent en gros, préparent bénévolement les commandes et s’organisent autour d’un conseil d’administration et d’une assemblée générale annuelle.
Portrait de Daniel Moreau, directeur du Fenouil de 1989 à 2016
Passionné par l’habitat bioclimatique et solaire, il arrive au Fenouil en 1981 après avoir travaillé à l’usine, suivi une formation de technicien métreur du bâtiment et élevé des chèvres dans le Larzac. Il reste longtemps salarié : « à l’époque, on s’appelait les permanent·es et nos tâches n’étaient pas définies. Sur trois semaines, on tournait entre la caisse, les commandes et les réceptions. À Bellevue, l’équipe était composée de Gabrielle, Christine, Myriam, Hélène et moi. C’est à ce moment-là qu’on a commencé à se spécialiser dans nos tâches », raconte-t-il.
Quand le magasin de Coulaines ouvre en 1987, Gabrielle Rousseau, qui était à l’époque responsable du magasin (et la toute première salariée du Fenouil), souhaite quitter son poste. « Pendant environ un an, j’ai été codirecteur avec un autre salarié, mais nous avions une vision complètement différente de l’entreprise. Finalement, en 1989, je suis devenu le chef d’une petite équipe composée de Jean-Yves, Hélène, Christine et Myriam. »
Il explique qu’à l’époque, seul·es les sociétaires pouvaient faire leurs courses en magasin. « On a longtemps réfléchi à l’ouverture aux non-sociétaires : à Bellevue, on s’était même dit qu’au bout de 1000 sociétaires, on n’accepterait plus personne… Sauf qu’on ne pouvait tout simplement pas dire non aux client·es qui recherchaient des produits bio, locaux et en vrac de qualité au Mans ! » s’exclame-t-il. « On a fini par ouvrir les achats à tout le monde avec une double tarification, qui existe toujours aujourd’hui. »
Troisième date marquante de son parcours au Fenouil, l’arrivée en 1994 de Mireille, responsable du Fenouil Sargé et membre du directoire jusqu’en 2023 : « elle était en stage de BTS commercial et elle a révolutionné notre organisation en magasin à Coulaines. Nous, on laissait les cageots dans les rayons et on ne retirait pas forcément les légumes ou les fruits défraîchis », se rappelle-t-il. « Elle a apporté un regard neuf sur nos missions et après son stage, elle a été embauchée très rapidement au poste de responsable du rayon fruits et légumes. Elle a apporté de la professionnalisation en magasin et a en parallèle dynamisé mon évolution professionnelle. »
Daniel dévoile que le magasin de Sargé a d’ailleurs été pensé à deux : « on a visité des magasins bio en Allemagne et on a tout de suite su qu’on voulait un grand magasin, un rayon fruits et légumes autour duquel on pouvait tourner, une boulangerie, des rayons dits traditionnels… »
Il raconte qu’à l’époque, la bio était décriée et n’était pas très gaie. « On avait besoin d’un magasin joyeux. On s’inquiétait au départ de la taille de Sargé, de passer de 400 m² à 800 m². Le premier jour, l’affluence a été incroyable, on s’est même dit qu’il fallait déjà agrandir le magasin ! »
Lorsqu’on lui demande s’il a des regrets, il répond que non. « Je suis content que Frédérique ait pris la relève après moi en 2016 parce qu’il y avait besoin d’un nouveau souffle et je n’avais plus la pêche nécessaire », admet-il. « Après plusieurs mois passés ensemble, je suis parti complètement serein et depuis, Le Fenouil a lancé de beaux projets ! »
Toujours sociétaire, mais plutôt discret, on peut le croiser régulièrement en train de faire ses courses dans les allées du Fenouil Université…